rip lucien jeunesse
| Je vous ai déjà parlé de Nanou, ma regrettée arrière-grand-tante qui savait faire le meilleur pot-au-feu du monde. C'était une délicieuse vieille dame dont la vie, harmonieuse, était toute emplie de rituels. L'un d'eux, nous l'apprîmes très tôt, était l'écoute du Jeu des Mille Francs. Cela tombait toujours au moment où nous étions encore à table. Elle se précipitait vers un transistor fantasmagorique et nous intimait aussitôt le silence des yeux comme du doigt. Nous savions que déranger le déroulement de cette liturgie laïque radiophonique aurait entraîné des rétorsions terribles, alors, l'air de rien, nous essayions de suivre, de comprendre. Je ne sais pas ce qui lui plaisait. Avait-elle dansé, dans sa sa jeunesse, au son des ritournelles que ce chanteur de charme avait éprouvé avant de trouver sa voie à la radio ? Etait-elle sensible à la séduction doucereuse de sa voix, de celle de ces escrocs de riviéras que l'on ne voit qu'au cinéma ? Ou était-elle, comme moi, accroc au rythme pendullaire hypnotique du mettalophone qui ponctue, tel un compte à rebours explosif, les instants de réflexions des candidats. Avec la disparition de Lucien Jeunesse, c'est donc un pan de ma Nanou qui s'en va. |