mo cuishle...

Publié le par jeanphi

Finalement, ça a été MILLION DOLLAR BABY de Clint Eastwood.
La caissière m’a regardé doucement et a murmuré : “Vous savez que c’est sous-titré ?” Les gens se trompent donc parfois ? Pourquoi ne me demande-t-on jamais : “Vous savez que, malgré notre bonne volonté cinéphilique, nous n’allons pas pouvoir vous proposer LA MAISON DES POIGNARDS VOLANTS en version originale mais uniquement dans une version française pourrie ?
Je ne dis pas que ça aurait rendu le film moins poignant, mais le fait de bénéficier, pour une fois (merci les oscars ?) de la vo pour un film de qualité a renforcé l’impression de magie suspendue. Le précédent film d’Eastwood, MYSTIC RIVER (l’adaptation d’un roman de Dennis Lehane publié chez Rivages) était déjà émouvant, dérangeant, excellemment interprété et classiquement filmé.
MILLION DOLLAR BABY est bien plus que cela : c’est un chef-d'œuvre. Je ne vais pas gloser ici sur toutes les raisons qui font de ce film un futur classique, une référence : allez le voir et laissez-vous pénétrer de cette petite musique (y compris au sens propre puisqu’il en a composé la musique) écrite par Paul Haggis.
J’ai ressenti, tout au long du film, cette même sensation d’évidence, de sereine évidence. Tout y est en place, avec cette insensible impression de naturel que le cinéma, quand il est bien fait, arrive à créer. L’illusion est parfaite. On y croit. Sinon, pourquoi rire ? Pourquoi pleurer ? Clint Eastwood, fripé, l’oeil toujours aussi vif, hiératique, y incarne avec une grâce aristocratique un entraîneur de boxe sur le retour qui, pour exorciser le silence de sa fille, prend sous sa coupe une “jeune” apprentie boxeuse extraordinairement interprétée par Hilary Swank. Mais il y a aussi, indispensable, mais dont la présence n’est jamais de trop, Morgan Freeman, l’ancien champion devenu borgne.
Sereine évidence disais-je, comme à chaque fois que je regarde une reproduction d’un tableau d’Edward Hooper. Pas que Eastwood ait voulu recréer la lumière et une certaine idée de l’Amérique dans ce film. Non, juste une sensation de vérité recréée, magnifiée, débarrassée (jusqu’au dénouement qu’il ne faut, mais alors pas du tout dévoiler) (et encore pardon Carole !) de toute la graisse superflue. La mise enscène, les cadrages, le jeu des comédiens, tout est d’une élégance, d’une maîtrise, d’une fausse simplicité qui en font à la fois le dernier (enfin, on est pas pressé Clint !) et le premier film d’Eastwood. On est loin du mélo de SUR LA ROUTE DE MADISON, et pourtant on pleure. Oubliés les papys de l’espace, et pourtant on rit. C’est comme si il s’était réconcilié avec tout le cinéma et la musique qui l’ont construit, et ce n’est pas pour rien qu’au détour d’un plan, on aperçoit sa petite-fille dans une voiture ; ou son fils, Kyle, au générique, comme co-compositeur des morceaux de jazz discrets qui rythment le film.
C’est aussi un film de boxe mais, comment dire, cela ne doit pas vous décourager pour autant. Il y a dans chacun des coups que donne et prend Maggie une telle volonté de vivre malgré tout, de tenter sa chance, de niquer un destin annoncé, que la boxe en devient un véhicule comme un autre. La boxe, dit le personnage de Freeman en voix-off, consiste à tout faire à l’envers.
Clint Eastwood n’a pas fait le film que certains attendaient de lui. Ce n’est pas un autre Girl Fight, mais une parabole sentimentale sans aucune mièvrerie. J'en tremble encore...

ps : au sujet des poignards volants, vous pouvez aller ici, et encore là.

Publié dans amènes pellicules...

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