la purée mousline...

Publié le par jeanphi

Résumé des épisodes précédents : n’écoutant que sa fibre créative et son extraordinaire coordination psychomotrice Domrod a accepté de prolonger une de ces chaînes de textes qui, quand je prends le temps de les considérer, n’est pas sans me rappeler celles qu’on recevait par la Poste et qui nous annonçaient que notre refus de la poursuivre entraînerait le déchaînement sur nos têtes de calamités apocalyptiques.
Domrod n’a cependant pas eu besoin de me menacer ou de me corrompre pour que j’accepte à mon tour de raconter cinq plats/aliments ou autres qui ont fait partie de mon enfance, et qui me manquent, parfois, quand la nostalgie me prend...
J’ai déjà (Chapitre1) parlé de pot-au-feu et (Chapitre 2) de gratins, alors préparez-vous pour...


Chapitre 3 : la purée Mousline !

Ma mère était une femme active élevant seule ses quatre enfants avec le même plus ou moins de bonheur que celles de sa génération de jeunes divorcées et avait en horreur la préparation quotidienne et fastidieuse de repas pour nous quatre.
Cela ne signifiait pas que, à l’occasion, elle aimât prendre le temps de faire mijoter un bon plat (ah, la blanquette de veau...), mais, le reste du temps, la corvée de savoir quoi nous donner à becter (que l’on n’ait pas
déjà goûté à midi) lui donnait assez de fil à retordre pour qu’elle en sot arrivée à se concentrer sur quelques basiques qui revenaient donc à intervalle quantiquement réguliers. Parmi eux, il y avait la purée Mousline.
Oh, je vous entends grommeler que la vraie purée est celle qui se fait avec des vraies pommes de terre et une vraie moulinette.
Comme j’aime à le répéter, c'est pas faux. Je suis même sûr que ma mère, n’écoutant que son instinct primal, a même dû nous en faire un jour pour assurer ses arrières. Je suis même quasiment certain que si cela a vraiment eu lieu nous n’avons pas aimé cette purée pleine de morceaux et n’ayant pas le goût de la purée. D’autant que si elle nous faisait de la purée en sachet remplis de flocons déshydratés, elle y mettait, dans les détails, un soin tout gastronomique que j’ai par la suite acquis. Je crois même que je pourrais en faire les yeux fermés.
D’abord, il fallait faire chauffer le délicat mélange de lait et d’eau salé que l’on pouvait, pour enrichir, ne faire qu’avec du lait. Puis, tout en veillant à ne pas le laisser bouillir au point que le liquide ne se transforme en crème, on versait le contenu du ou des sachets dans un plat imitation grès toute en réservant à part les autres ingrédients secrets pas si secrets.
Évidemment, comme c’était l’un de nous quatre qui surveillait le lait, il ne manquait ni d faire de la crème ni de déborder, mais bon, l’essentiel était que le liquide soit chaud bouillant avant de le verser dans le plat. Oui, j’entends des dents qui grincent et des cerveaux qui glapissent d’indignation, mais nous, on faisait comme ça quand la recette de la boîte disait de verser les flocons dans le liquide.
Enfin, bref, on mélangeait le tout avec une spatule en bois, c’est-à-dire le liquide, les flocons mais aussi le jaune d’un œuf et de la noix de muscade finement râpée pour donner du goût. Je me souviens de ces noix, dans leur petit tube avec la râpe en allu, parce que j’adorais procéder à cette délicate manœuvre.
Quand le tout avait pris cette consistance, ni trop épaisse ni trop liquide, ma mère rajoutait souvent un peu de gruyère râpé (plus si elle était trop liquide) et elle accompagnait ça de saucisses de strasbourg.
Je me dois quand même de dire que, quand bien même, grâce à mon talent de conteur né, cette belle histoire émouvante vous a ému au point que dès ce soir/demain midi vous allez vous empresser de faire de la purée en sachet, il y a un codicille capital à cette parabole nostalgico-parmentière.
Dans les placards de la cuisine de ma mère, au milieu des autres produits de pure nécessité, vivaient des électrons libres placés là selon des choix qui nous échappaient. Ainsi y avait-il toujours du lait concentré en tube pour pallier à l’absence, aussi rare que déstabilisante, de lait en brick. Or, il advint un jour où, ayant pourtant planifié à l’avance la présence de purée Mousline au centre de la table, ma mère se retrouve obligée d’utiliser du concentré mélangé à de l’eau en guise de liquide propre à redonner vie aux flocons.
Ignorant du fait que nous n’apprîmes qu’ensuite, nous nous régalions à l’avance, enfin jusqu’à ce que nous goutâmes la purée ainsi mitonnée. Nous eûmes, synchronisation fraternelle oblige, le même assortiment de grimaces et de bruits de bouche réprobateurs qui entraîna un haussement de sourcils maternels et une volée de bois vert verbale instantanées.
Mais ma mère eut beau glapir tout ce qu’elle savait, il était hors de question que nous retouchassions à la chose dans nos assiettes. En désespoir de cause, ma mère s’empara d’une fourchette et amena à sa bouche un échantillon de sa production, qu’elle recracha aussitôt. Eh ouais, c’était du lait concentré sucré mes amis.

Depuis, je ne peux m’empêcher, en passant devant le rayon du lait concentré ou en voyant des spots publicitaires de repenser à cette mixture étrange qui se faisait passer pour de la purée mais qui, à l’instar des copies d’humains dans L'INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES, n’en était pas. ce qui est étrange parce quand je passe devant le rayon des purées en sachet, je ressens la même émotion, mêlée de tendresse et de plaisir. Allez comprendre...

Publié dans gastronomies...

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F
J 'ai exactement la même recette avec une noix de beurre en plus ....<br /> ! Et je n'éprouve aucune culpabilité le vite fait de temps en temps autorise d'autres loisirs exemple emmener les enfants au cinoche ou à la plage... !<br /> Par contre si Mélanie se met au fourneau pour confectionner la purée vaut mieux prévoir une paille !!!<br /> :0058: :0016: :0062:
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J
carole > peut-être pas au petit-dèj ! A tout de suite au cinoche...
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C
Quand je fais de la purée mous...e, je suis sûre que tout le monde est content...........
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C
C'est un peu comme les nouilles au sucre.....C'est spécial!<br />
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