fisher & sons & autres...

Publié le par jeanphi

Pourquoi est-ce que j’aime Six Feet Under, et en particulier la saison trois ?
Pour les mêmes raisons qui feront ensuite que je préférerai la saison quatre !

Attention : ce texte comporte des révélations [spoilers] ! ! !

La série conçue, partiellement écrite, mais toujours produite par Alan BALL, le (n’hésitons jamais à le rappeler, amis béotiens) scénariste de AMERICAN BEAUTY, pour la chaîne cablée HBO, est le genre de phénomène télévisuel qu’on ne voit qu’une fois dans sa vie pop acculturée. C’est la bonne et la mauvaise nouvelle : chaque saison, chaque épisode de saison, chaque fin de saison, sont un mélange de surprise, de rires, de larmes, de colères, de chocs, de nouveaux personnages, d’anciens revenant là d’où on ne les voit jamais venir, de etc...
Mais ça veut aussi dire que, arrive (-ra) un moment où ça doit s’arrêter et Six Feet Under, ce n’est pas JAG qui est alimenté par les dérives impérialo-militaristes de Bush, mais une série finie, avec une fin de prévue, et une intégrité qui n’a aucun équivalent (à part peut-être, dans un autre registre, Babylon V...).

La saison un présentait la famille FISHER et ses ramifications : l’amant de la mère – Ruth – dont l’époux meurt dès le début du premier épisode, l’amant du second fils – David – qui secondait son père à la tête de l’entreprise de pompes funèbres “Fisher & Sons”, la maîtresse (dans les toilettes de l’aéroport, au début de l’épisode) du fils aîné – Nate – revenu de Seattle pour les fêtes de fin d’année, l’amant de la fille – Claire – qui se déplace dans un ancien corbillard repeint en vert granny, et, last but not the least, le père défunt, Nathaniel, qui réapparaît ensuite à ses fils. On découvrait aussi Rico, l’employé de l’entreprise, le prêtre de la paroisse de David, son ex-fiancée, la famille désaxée de l’amante de Nate, Brenda... et tout ça, sur fond de concurrence acharnée, de morts à embaumer et à enterrer, de crises en tous genres, de fantasmes et d’hallucinations. Le générique, classieux, sobre, montre essentiellement un cimetière, un corbillard et, surtout, d’un corbeau et d’un arbre. La thématique de cet arbre plongeant ses racines dans la terre, profondément renvoyait aux six pieds sous terre du titre, c’est-à-dire la profondeur de l’excavation pour l’enterrement. De fait, la maison “Fisher &Sons”, l’entreprise de pompes funèbres, est une métaphore de cet arbre (il y a du bois partout, du sol au plafond, de l’étage familial au rez-de-chaussée dévolu aux cérémonies mortuaires) qui plonge ses racines (les membres de la famille, leurs proches, mais aussi les familles des défunts...) dans la terre. La saison se terminait par le choix de Nate de demeurer à Los Angeles pour aider son frère dans l’entreprise familiale.

La saison deux s’intéressait davantage aux errements, rebondissements, incertitudes et autres atermoiements des membres de la famille FISHER, en particulier les problèmes relationnels de David et Nate avec leur amant(e) respectif, mais aussi les volontés d’indépendance de Claire, et de sa mère se mettant à travailler chez un fleuriste. La famille de Brenda et les divagations neurotiques de son frère et d’elle-même faisaient écho aux problèmes neurologiques de Nate. Le personnage de Rico et de sa famille prenaient aussi plus d’importance, ce dernier finissant la saison en devenant partenaire de l’entreprise familiale. Chacun des destins personnels s’enchevetraient encore plus profondément, au fil des épisodes, le long du même fil rouge des défunts quotidiens, certains éclairant leur voyage sous un autre angle. Ainsi, les doutes de David, épiscopalien luttant contre ses pulsions sexuelles, assumant mal une homosexualité longtemps réprimée, l’amènent à voir des jours durant le fantôme d’un jeune gay assassiné par des homophobes. Un épisode nous permettait aussi de découvrir la sœur de Ruth, la mère, nous donnant ainsi à voir ce que sa vie aurait pu être. La saison se terminait surtout sur l’opération du cerveau de Nate et les incertitudes sur son éventuel succès, sur fond de départ de Brenda avec pertes et fracas.

Enfin, pour ce qui me concerne, la saison trois pourrait déjà être celle de la maturité si elle n’était pas la dernière.
Le premier épisode est le plus troublant (même si le dernier épisode demeure, lancinant, comme un écho de toute la série, bien après qu’on l’ait vu) : il démarra dans une salle d’opération où, on le comprend vite, tout ne se passe pas comme prévu.
Rien de surprenant jusque-là car c’est le pitch habituel : une scène banale qui dérape, banalement, dans le décès d’une personne quelconque. Ensuite, sans qu’on voit la mort elle-même, un fondu au blanc (et non au noir, qu’on ne voit qu’à la fin des épisodes) suivi de l’inscription, au centre de l’écran, du nom et du prénom du décès et les dates de naissance et de mort. Retour à l’épisode un : l’opération dérape, fondu au blanc, et identité du défunt : Nathaniel Jr Fisher… Nate est mort durant l’opération et la moitié de l’épisode se passe à le voir errer de réalités parallèles en réalités possibles en réalités virtuelles, accompagné par son père goguenard. Et puis, sans qu’on sache vraiment si on est dans la “réalité” de la série, on comprend que Nate n’est pas mort, qu’il s’est marié avec Lisa, son ancienne amie-maîtresse avec qui, à la fin de la saison deux, il avait eu, par accident, un enfant.
Alors Nate n’est pas vraiment mort mais cela a suffit à nous glacer le sens et donné envie de vomir.
Mieux : il est marié et père de famille !
La saison, on l’a compris, va s’attacher quasi-exclusivement aux FISHER, reléguant les défunts qui les font vivre à l’arrière plan.
On verra donc Claire s’amouracher, un temps, d’un musicien de rock travaillant dans un crématorium avant de tomber dans les bras d’un étudiant de son école d’art, mais...
On verra David suivre avec Keith une thérapie de couple pour régler leurs problèmes sans vraiment y arriver mais...
On verra Nate s’évertuer à être un père, un époux, un amant, un chef d’entreprise, mais...
On verra Ruth, la mère, avoir un épisode harold-et-maud, avant de tomber amoureuse...
On verra Rico lutter pour sortir sa femme de la dépression et découvrir la salsa, mais...
On verra aussi d’autres personnages qu’on croyait avoir oubliés, à l’occasion du décès du père de Brenda ou de la grand-mère de Keith, mais...
La saison la plus ambitieuse se conclut sans apothéose, en s’ouvrant sur un inconnu total, dans lequel toutes les règles ont été redéfinies, les repères antérieurs effacés et réinventés, chaque personnage ayant redessiné sa place au sein de l’arbre-monde “Fisher&Diaz”. Le dernier épisode, le plus joyeux et le plus triste à la fois se résume à deux séquences que je ne détaillerai pas mais dont l’intitulé se suffit à lui-même : Claire va au cimetière pour trouver la tombe de son père et se retrouve à marcher avec lui, au milieu des morts dans ce qui semble être une kermesse d’été ; Nate, déboussolé, se saoule à la tequila, puis se fait démolir par un client qu’il a insulté et se retrouve à rouler à tombeau ouvert (oui, celle-là, est voulue) en criant qu’il ne veut pas mourir...

S
ix Feet Under
est une série qu’il faut posséder, pour ne pas, au minimum, dépendre de la programmation aberrante de france 2 qui l’a reléguée au petit matin du jeudi (une heure, mais ça doit être sûrement plus près de deux).
C’est une série qu’il vaut mieux voir en version originale pour goûter le jeu des comédiens et la richesse des dialogues.
C’est une série, enfin, à prêter, comme on le fait des bons livres, des bons disques, des bonnes recettes, des bons plans en général.
C’est une série dont on ne verra jamais d’équivalent français, et pas seulement parce que refaire quelque chose qui a déjà été fait est vain (P.J. mauvais décalque de NYPD BLUE en est l’exemple le plus criant) ; non, mais uniquement parce que les directeurs de programmes, les producteurs et les exécutifs des chaînes hertziennes (et ni les cablo-opérateurs ou ceux de la TNT n’y changeront rien) demeurent persuadés que les téléspectateurs français ne sont pas mûrs pour voir en “prime time” des aventures téléfictionnelles similaires.
Et pourtant, la mort ne nous touche-t-elle pas tous, tôt ou tard ?

Je suis conscient de n’avoir qu’effleuré la surface de cette histoire, et j’espère ne pas l’avoir non plus trop dévoilée...

Publié dans téléséries

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W
Oups ! J'ai moustifoyé dans les grandes largeurs ce coup-ci.
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W
Pas loin d'être le premier anniversaire de notre rencontre. Moustifoy !
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F
Un p'tit feu pour démarrer,<br /> Une caresse pour décoller.<br /> Si tu veux te réchauffer,<br /> Faut savoir bien béguiner.<br /> <br /> C'est bon pour le moral,<br /> C'est bon pour le moral,<br /> C'est bon pour le moral,<br /> C'est bon pour le moral<br /> <br /> (p'tit feu c'est le ti punch au citron vert!!!!)
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L
soleil, lambada, moustifoy et massages ma semaine était bonne !!!<br /> la courante me la donne par contre :-(<br /> méCpôgrave !!<br /> Mô
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J
yala ! un comentaire de Moise ! ! salut gars, ça va ! ? je me languissais d'avoir de tes NOUVELLES ! !
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