entre deux...

Publié le par jeanphi

Ces derniers temps, je suis un peu entre deux.
Bon, c’est pas que ça m’inquiète ou que ça m’agace, mais, apparemment, ça commence à se voir. Alors forcément, je m’interroge : dois-je infléchir ma manière d’être pour, au moins ostensiblement si possible, cesser de le paraître ? Ou pas ? Notez que, dès lors que j’aborde ici la question, après en avoir évoqué le principe, cela devient d’office un problème à résoudre. Tous ensemble.
Eh oui, vous voilà bien ! Car, ensuite, comment accepter de vous conforter dans la chaleur ouatée de l’indifférence et de l’insouciance une fois que vous aurez été mis devant le fait accompli ?
Vous sentiriez-vous à l’aise, droit dans vos chaussures et chaussettes hivernales, en tolérant que je demeure dans cette situation sans rien faire, ni pour m’aider, ni pour m’y enfoncer ? Ne m’en voulez pas tout de suite de vous forcer la main. Non. Attendez plutôt que j’expose mon affaire. Ensuite, je ne dis pas. Quoi que. Rien ne vous oblige en effet à poursuivre la lecture de ce qui suit. Rien. Aucune menace de voir, en rompant une hypothétique chaîne, les foudres du destin s’abattre sur vous sous la forme d’une pluie de poissons dans votre cour ou d’un nuage de sauterelles venant s’abîmer sur le pare-brise de votre véhicule utilitaire. Rien de tout cela, vous pouvez cesser d’hyper-ventiler.
Ces derniers temps, disais-je liminairement, je suis un peu entre deux. Qu’est-ce à dire ? La question subséquente ne devrait-elle pas être plutôt entre deux quoi ? Mais, soit, envisageons le sens de cette phrase prise dans son entier.
Ces derniers temps est cependant une temporalité que j’aurais du mal à estimer. Est-ce depuis que je me suis involontairement exilé dans l’Yonne, terre de tueurs en séries et de viticulteurs ? Est-ce seulement depuis que j’ai commencé à montrer, pour paraphraser Pierre Desproges, mon émotion à tous les passants via un réseau informatique commercial ? Peu importe car, de fait, tout cela revient à vouloir, vainement, estimer depuis quand j’essayais, sans y parvenir réellement, de cerner le malaise diffus qui se lovait dans mon for intérieur. Pas fastoche. Comprenez que s’il s’était s’agit des prémisses d’une dépression nerveuse, je ne dis pas que je les aurais identifié sans difficulté, pas plus que s’il s’était s’agit de ceux d’un ulcère du colon. Je ne suis pas médecin, des boyaux de la tête comme de ceux du bide. Je savais bien que cette impression de vague à l’âme qui n’en était pas non plus un, n’était qu’une couverture dressée par mon inconscient pour dissimuler l’incurie de mon système cognitif à nommer une fois pour toute ce qui causait le malaise.
Et puis, il y a peu, mais je ne saurais dire quand, ni même si j’étais conscient lorsque cela s’est produit, la notion d’entre deux m’est apparu comme une évidence au milieu d’une figure métaphorique. J’ai alors essayé de déterminer, en plaçant ma notion sous un feu nourri de questions, comment elle avait réussi jusqu’ici à éluder mes tentatives d’élucidation. Il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre. Et j’en vois qui sourient, et ils ont bien raison. Quoi que. C’est loin d’être terminé.
Parce que l’on revient à une question inachevée : entre deux quoi ?
Était-ce cet état, jadis soufflé à mon oreille, au cours d’un apéritif prolongé, par un ami assistant d’anglais de son état et qui, après que je lui ai répondu que non, en ce moment je ne vois personne, à sa question très directe sur ma vie sentimentale, m’avait alors répondu que j’étais in between ? Ce à quoi, ceux qui avaient anticipé peuvent raisonnablement opiner du chef, surtout Christian, je lui répondis in between what ? en décapsulant une autre canette de bière. C’était pourtant évident que j’étais entre deux aventures, de la même manière (comme il me l’expliqua) qu’un chômeur est entre deux emplois. Le fait que cette notion, toute optimiste et britannique qu’elle soit ne me soit pas spontanément venue à l’esprit en disait déjà long sur l’enracinement de mon pessimisme ontologique. Quoi, vous n’aimez pas ce mot-là ? Essayez donc proctologique ! Mais je m’égare, et je m’en excuse platement.
Le fait est que, depuis quelques temps, j’ai cette impression d’être en permanence entre deux tout et n’importe quoi. Entre deux chaises dès lors que dois donner mon opinion. Entre deux portes dès qu’il faut donner des renseignements aux élèves. Entre deux paquets de copies à corriger alors que je continue à donner des évaluations à faire. Entre deux résolutions à mener à bien au risque d’en abandonner plus d’une en cours de route. Entre deux promesses à des proches à tenir. Entre deux textes de blogs. Entre deux etc.
Je sais, je vous entends soupirer d’ici, vous ne voyez pas bien en quoi vous pourriez (plus encore devriez) m’aider à sortir de ce qui, à y regarder avec un peu de légèreté, ressemble à s’y méprendre, à une crise de velléitarisme doublée d’une lâche propension à l’indécision. Eh bien, c’est là où vous êtes dans l’erreur et où interviens mon esprit supérieur si prompt, par sa tendance réelle à passer d’un sujet à l’autre avec l’opiniâtreté d’un agent de change sous cocaïne. En effet, je ne me sens aucunement la victime de cet entre deux. Je dirais même que, à bien y réfléchir (allons, un, deux, trois, ayé, c’est réfléchi), je m’en fiche souverainement. Et c’est là que vous devez, nécessairement, vous sentir tenus de me venir en aide et de me tirer de cette ornière métaphorique. Comment pourriez-vous, après avoir pris conscience de l’état de déshérence mon quotidien livré aux forces capricieuses du destin et du libre-arbitre, vous contenter d’ignorer plus longtemps que je ne suis que le jouet de l’entre deux ? Non, c’est cuit pour vous. Oubliez tous vos projets, vos résolutions, y compris celles qui ne comptaient que pour du beurre. Désormais, votre tâche se résumera à un seul but : me tirer de cet entre deux et m’aider, à l’insu de mon plein gré, par la puissance discrète de la qualité de vos suggestions et de vos appels du pied aériens. L’heure tourne, et je suis toujours entre deux.

Publié dans c'est pas faux...

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J
domrod, nico > surprise !
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D
Je ne peux que féliciter Nico pour le choix de la chanson qui est un chef d'oeuvre pop !
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N
Allez, une petite chanson pour bien se rappeler ce inbetween !Peut-être que ton problème c'est la linéarité ! Tu vois peut-être un peu trop les choses comme une liste de chose les unes derrières les autres (et parfois débitées à la hache par feu le Barbare) et il te manque un peu recul ou un agitateur viral pour (re)mettre un peu de bordel dans tout ça et faire apparaître un tout caché ? Mon conseil ? S'éloigner des deux à la fois pour voir le tout !
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F
du moment que c'est pas ton coeur qui balance entre deux !!!!!
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P
Et bien... c'est à dire que pour être franche, bien que ton texte soit très bien écrit, retranscrive bien l'état d'esprit et le coeur du problème exposé je pense [malgré le fait qu'il soit écrit en tout petit sur mon 800x600 et que j'ai été obligée de tenir la ligne avec le clic pour suivre..].. Ne te connaissant pas, j'ai bien du mal à le cerner. Et comme je ne voudrais pas donner mon avis à la légère, je suis tentée de dire que la méthodo de Domrod est applicable dans ton cas... <br /> En tous cas, sache que malgré tout, malgré le fait que bien des lecteurs de ce texte ne te connaissent pas, beaucoup se sont attachés à ton personnage d'homme aux idéaux clairs et affirmés, à l'humilité et à la franchise évidente et toute la sensibilité qui va avec. En tous cas, moi je le suis. Je te souhaite donc de trouver la clé de ton soucis au plus tôt.
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