les îles du soleil...

Publié le par jeanphi

Maintes fois déjà ai-je abordé ici la question de l’uchronie de science-fiction, et plus particulièrement en évoquant La Séparation de Christopher Priest.

Cet intérêt pour ce genre spéculatif à l’intérieur d’un genre qui ne l’est pas moins remonte bien avant mes études d’histoire.
Si je devais ébaucher une piste je remonterai à Jules Verne qui, en anticipant des technologies hypothétiques (le voyage sous-marin, spatial...) et en les ancrant dans une réalité parallèle, fit œuvre d’uchronie.
Mais ensuite, le choc vint d’une nouvelle de Ray Bradbury intitulée “Un coup de tonnerre” dans le recueil Les pommes d’or du soleil (1953). Cette histoire (1) est une uchronie d’un genre particulier car commençant comme un récit de sf classique (des chasseurs vont dans la préhistoire via une machine temporelle pour dégommer des dinosaures) et glisse vers l’uchronie (comme l’un d’eux a écrasé un papillon, cela modifie le cours du temps à leur retour).
D’autres livres ont suivi par la suite et, quoi que je ne me sois pas lancé à la recherche de tous les textes existant, j’ai toujours pris plaisir à me laisser ravir par ce petit jeu du “Et si, en fait...”
Dernièrement, le choc était venu d’un roman burlesque mais aussi uchronique, L’affaire Jane Eyre de Jasper Fforde (10/18).
Entre temps, il y avait eu la découverte de la somme compilée et rédigée par Eric-B Henriet, L’histoire revisitée : Panorama de l’uchronie sous toutes ses formes (Encrage/Belles Lettres, 1999) qui, en 2005, a reçu le Grand Prix de l’imaginaire dans la catégorie Essai et dont la lecture est indispensable.
Et puis, je suis tombé sur Les îles du Soleil de Ian R. MacLeod (Folio SF n°222) et ça été la claque.

Oh ! pas seulement en raison du contexte mis en place par l’auteur (l’Allemagne a gagné la Première Guerre mondiale et l’Angleterre est devenu un État fasciste), mais plutôt par la qualité de sa narration et le choix de son narrateur. Tout est en effet raconté du point de vue d’un vieil homme vieillissant atteint d’un cancer incurable et qui, au soir de sa vie morne d’enseignant seulement éclairé, un instant, par un amour trop bref, décide de révéler au grand jour la personnalité de l’autocrate John Arthur.

Ce qui donne à ce récit une saveur bien particulière est que Geoffrey Brook est à la fois un historien et un homosexuel dans un pays qui, dans notre réalité, a combattu longtemps cette “déviance sexuelle”, et dans celle du roman est un crime encore plus grave. Mais c’est dans la peinture ordinaire, si banalement admise, d’un fascisme britannique entretenant une certaine imagerie traditionnelle mais dans laquelle on reconnaît tous les avatars du nazisme, que Ian R.
MacLeod excelle. Son roman fait froid dans le dos, mais demeure, de bout en bout, agréable à lire, y compris dans les scènes les plus âpres.
Je vous le recommande, y compris si vous n’êtes pas amateur de science-fiction car, vous l’aurez compris, cette étiquette n’est ici qu’une manière de dissimuler l’embarras des éditeurs à donner aux écrivains de sf la place qui devrait être la même que celle des autres auteurs de romans : au premier plan.

(1) qui vient d’être adaptée au cinéma...

ps : la bande-annonce de X-MEN 3 ! !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
C'est un epu souvent via la 1ère ou la seconde guerre mondiale qu'ils construisent leurs uchronies ou je me fais des idées ?
Répondre